J’ai attendu trop longtemps avant de parler à Sophie de ma dépression. Je ne savais pas quoi dire à ma fille. J’éprouvais de l’embarras et de la crainte. Je voulais la protéger. J’étais inquiet : est-ce que je nuirais à notre relation en lui disant? Est-ce que je baisserais dans son estime? Est-ce qu’elle s’inquièterait pour sa propre santé mentale en prenant connaissance des antécédents de dépression chronique sévère de son père?
J’ai repoussé cette conversation avec ma fille pendant 16 ans. Je ne sortais pas du lot à cet égard.
Pendant longtemps, les gens ont hésité à parler de leurs problèmes de santé mentale à leurs enfants en raison des craintes et des préjugés qui y sont associés, particulièrement en ce qui concerne la dépression. Environ un enfant sur cinq a un parent qui est aux prises avec cette maladie, selon le National Research Council and Institute of Medicine. Nombreux sont les parents qui évitent à tout prix d’en parler. C’était mon cas.
La décision de parler ou non de votre dépression à votre enfant en est une qui est très personnelle. Si je partage mon point de vue sur ce sujet, ce n’est pas pour dire aux autres comment élever leurs enfants, mais plutôt parce que mon expérience me fait croire qu’il est préférable de privilégier la communication. Plusieurs experts, comme les auteurs d’une étude publiée dans la revue Frontiers of Psychology, font valoir les avantages de parler ouvertement aux enfants des problèmes de santé mentale de leurs parents.
J’avais mes raisons de ne pas parler à Sophie de ma dépression, qui a commencé plusieurs années avant sa naissance et qui a perduré durant sa petite enfance. Je pensais qu’en évitant de lui en parler, je la protègerais. Je me disais que c’est ce que les pères sont censés faire.
Je trouvais aussi des prétextes pour éviter d’en discuter. Ce n’était jamais « le bon moment ». Je voulais être certain que ma dépression ne reviendrait pas avant de lui en parler. Comme je continuais à observer de légères fluctuations de mon humeur, des mois, puis des années, ont passé. Je me suis habitué à garder ce lourd secret.
Chaque fois que j’envisageais d’aborder le sujet, je me remettais en question. Je me disais que ce serait probablement trop lourd à porter pour Sophie ou que je n’avais pas le droit d’imposer un tel fardeau à mon enfant. Avec le recul, je réalise que j’avais tort à bien des égards.
Je n’avais pas pensé aux avantages de parler de ma dépression à ma fille. En parler avec elle l’a aidée à mieux comprendre son enfance et ce qui se passait autour d’elle. Ça permettait de répondre à tant de questions : Pourquoi Maman et Papa se disputaient-ils parfois? Pourquoi Papa se refermait-il sur lui-même parfois? Pourquoi Papa est-il devenu un psychologue? Pourquoi le silence s’installait-il quand on abordait certains sujets? Le fait d’être honnête avec ma fille l’a aidée à mieux comprendre.
Je n’étais pas conscient non plus que je m’enlèverais un poids en révélant mon secret à Sophie — et que ça me soulagerait énormément. Je ne réalisais pas que lui en parler était une forme de respect — et qu’il est souhaitable de respecter ses enfants. Je ne réalisais pas qu’en lui disant la vérité au sujet de mon problème, j’ouvrirais la porte à d’autres conversations sur la dépression : je serais maintenant en mesure de l’aider davantage si elle avait un jour elle aussi des problèmes d’humeur. Je pourrais aussi mieux l’outiller afin qu’elle puisse être une ressource pour ses amis, dont un grand nombre ont malheureusement été aux prises avec la dépression.
Mais je ne ferai pas semblant que ça s’est fait facilement. Il est difficile d’amorcer ce genre de conversation. Il n’existe pas une seule façon de faire, ni de solution universelle. La dépression se présente sous diverses formes et atteint différentes personnes de différentes façons. La curiosité ou l’inquiétude manifestée à l’égard de la dépression varient d’un enfant à l’autre. Faites confiance à votre instinct — vous êtes probablement la personne qui connaît le mieux votre enfant.
Vous craignez peut-être de ne pas employer les bons mots en parlant à votre enfant. Souvenez-vous que la vie est parfois compliquée et qu’on n’y voit pas toujours clair. Vous ne comprenez probablement pas vous-même tous les aspects de votre dépression. Il n’est pas réaliste de penser qu’une seule conversation suffira pour l’expliquer parfaitement à votre enfant. Il serait normal que votre enfant ait des questions. Rappelez-vous qu’en franchissant cette première étape importante, c’est-à-dire parler de dépression à votre enfant, vous ne faites qu’amorcer le dialogue.
Voici quelques conseils pour parler de dépression à votre enfant :
Si vous vous demandez si vous devriez parler de dépression à votre enfant, dites-vous que vous n’êtes pas seul(e). J’ai vécu la même chose, de même que bien d’autres personnes. Il existe des ressources qui peuvent vous aider. Ce qui importe le plus, c’est de prendre une décision et de franchir le premier pas.