Lorsque j’ai reçu le diagnostic de migraine chronique il y a de nombreuses années, je n’ai jamais imaginé que ma maladie aurait des répercussions sur les relations que j’entretiens avec mes amis.
Avant que je sois atteinte de migraine chronique, je pouvais faire des projets de dernière minute, et sortir aussi longtemps et boire autant que je le souhaitais. J’étais hyper sociable et j’arrivais à cultiver de nombreuses amitiés. Ma vie était certes mouvementée, mais dans le bon sens du terme.
Je n’ai jamais une seule fois apprécié la facilité avec laquelle j’entretenais ma vie sociale.
Auparavant, je passais du temps avec mes amis principalement en faisant des sorties avec eux. Par exemple, j’allais au théâtre et à des concerts, je prenais part à de grands événements ou à des soirées où l’alcool coulait à flots et je faisais des virées de magasinage, tout cela en me contentant de petites pauses.
J’adorais ce genre de sorties, et j’aimerais encore me divertir de cette façon, mais ce type d’activités n’est tout simplement plus compatible avec le mode de vie que je me dois d’avoir aujourd’hui pour réduire au minimum mes migraines. Ces jours-ci, j’invite mes amis à la maison ou ils m’invitent chez eux, ou on sort prendre un thé l’après-midi dans un endroit tranquille.
Avant d’être atteinte de migraine chronique, je retrouvais mes amis en personne, souvent pour potiner et jaser de nos vies respectives. Ces jours-ci, comme mes déplacements sont plus ardus, je préfère utiliser le téléphone ou Internet pour prendre de leurs nouvelles. Les médias sociaux sont très utiles pour me tenir au fait de ce qui se passe dans la vie de mes amis, et les applications de messagerie instantanée sur le téléphone et l’ordinateur m’aident à sentir que je fais encore partie de la « gang ».
Inévitablement, plusieurs amis sont plus ou moins disparus de ma vie. Même si je sais que c’est en raison des changements que j’ai dû apporter, j’ai encore de la difficulté à l’accepter et à reconnaître que ce n’est pas parce que j’ai fait quelque chose de mal.
Lorsque vous êtes atteint d’une maladie chronique, il est plus facile de communiquer avec vos amis si vous trouvez une façon de parler de votre maladie que vous pouvez tous comprendre. J’utilise souvent la théorie des cuillères avec mes amis. Je fais aussi des analogies avec certains jeux, par exemple en parlant de barres d’énergie imaginaires ou encore de mes réserves de sorts.
Lorsque je peux dire à un ami « qu’il me reste peu de cuillères aujourd’hui » et que celui-ci comprend que « ma maladie chronique frappe fort cette journée-là et que j’aurai de la peine à faire l’essentiel, ce qui veut dire qu’il ne faudra pas m’en demander plus », ça rend la communication beaucoup plus facile.
Par exemple, si un ami me demande d’aller magasiner avec lui, je peux répondre simplement : « c’est l’équivalent d’un sort de niveau 3 et il ne reste que des sorts de niveau 1 et 2 dans ma réserve aujourd’hui ».
Cet ami comprendra que j’ai déjà consacré de l’énergie à d’autres activités cette journée-là, comme des tâches ménagères ou l’épicerie, et qu’il peut donc venir faire un tour chez moi pour jaser autour d’un café, mais que je ne serai pas en mesure de sortir.
Je vous recommande fortement de trouver un langage commun afin que vous puissiez faire comprendre rapidement et facilement à vos amis ce que vous pouvez et ne pouvez pas faire, sans devoir expliquer en détail ce que vous ressentez cette journée-là.
J’ai répété la phrase suivante si souvent, qu’elle me vient automatiquement aux lèvres : « Tout projet est susceptible d’être annulé à la dernière minute pour cause de migraine. »
J’essaie de rappeler à mes amis qu’une crise migraineuse peut défaire nos plans à tout moment. Ce rappel s’adresse aussi à moi, pour que je me souvienne qu’il y a des choses sur lesquelles je ne peux pas agir.
Cela veut dire que peu importe le prix que j’ai payé pour des billets de théâtre ou peu importe si nous attendions avec impatience la foire artisanale, je serai obligée de déclarer forfait si la migraine frappe à ce moment-là.
Tous les amis que je fréquente régulièrement sont habitués à mes annulations de dernière minute. Ces temps-ci, lorsqu’une activité est prévue, la plupart de ces amis m’appellent le matin même pour voir comment je me sens. Un ami qui comprend la nature de la migraine chronique, qui vérifie comment je me sens et qui est prêt à essuyer un refus, ça fait toute la différence pour moi et ça influe aussi sur mes sentiments par rapport à notre amitié.
Le fait qu’une personne fasse le premier pas pour savoir comme je vais (tout en se préparant à être déçue), m’évitant ainsi de devoir la texter, le cœur gros, pour annuler nos projets, a un effet des plus positifs sur notre relation.
Si vos amis n’ont pas déjà pris cette habitude, il serait bon de leur suggérer.
C’est inévitable : avec la migraine chronique, vous ne pourrez tout simplement pas faire tout ce que vous accomplissez normalement et vous serez obligé d’annuler certains projets. Si certains de vos amis ne le comprennent pas et ne vous le pardonnent pas, il y a de bonnes chances qu’ils ne soient que des « amis des beaux jours ».
Même si vous aimez sortir avec vos amis des beaux jours et qu’ils aiment sortir avec vous, sachez qu’ils ne souhaitent vous fréquenter que dans les bons moments. Les amis de ce genre croient encore que la migraine n’est qu’un mal de tête et ne comprennent pas pourquoi vous ne vous contentez pas de prendre un antidouleur et de poursuivre vos activités.
Si vous avez des amis qui ne peuvent pas supporter que votre état de santé perturbe leurs plans, il est peut-être temps de laisser tomber ces amitiés.
Cela dit, le pardon doit se faire dans les deux sens. J’étais auparavant une amie sur laquelle on pouvait toujours compter. J’étais toujours présente lorsque je m’y étais engagée, prête à l’heure; il est donc très difficile pour moi de laisser tomber les autres. J’ai dû apprendre à me pardonner aussi. Lorsque votre propre corps est en cause, vous pouvez facilement vous blâmer. Vous pardonner est une étape importante pour pouvoir entretenir de saines amitiés.
Lorsqu’on me demande comment je vais, j’ai l’habitude de répondre : « Pas trop mal, merci. Et vous? » Cette réponse me permet de ne pas mentir tout en m’évitant d’entrer dans les détails, et ça me permet aussi de rediriger la conversation.
Par contre, lorsque des amis proches me demandent comment je vais, c’est qu’ils veulent réellement le savoir, en principe. Si je passe un moment difficile, je le dis, car je sais qu’ils veulent savoir si j’ai besoin d’aide. Si ma course à pied s’est bien passée, je leur dis et je célèbre cette victoire avec eux.
Si j’ai été dérangée par quelque chose qu’ils ont dit ou fait, comme porter du parfum ou utiliser le mot « migraine » alors qu’ils voulaient plutôt parler d’un « mal de tête », je leur dis pour les sensibiliser davantage. Dans tous les cas, il est toujours préférable d’être honnête avec ses amis, mais quand vous êtes aux prises avec une maladie chronique, ça peut faire toute la différence.
Vos vrais amis vous aiment et vous veulent du bien. Si les activités que vous faites ensemble vous causent de la douleur et de la souffrance, malgré tout le plaisir qu’ils éprouvent en votre compagnie, ils ne voudront pas vous causer du tort. Si vous devez passer moins de temps ensemble afin d’éviter le déclenchement d’une crise, vos amis préfèreront toujours la qualité à la quantité.
Les bons amis tiendront toujours compte de votre intérêt dans leurs choix.
Souvenez-vous aussi que lorsque vous passez du temps avec vos amis, ceux-ci ne veulent pas devenir vos gardes-malades. Vous devez donc vous assurer de prendre bien soin de vous. Veillez à bien vous hydrater, à prendre vos médicaments et à manger et vous reposer lorsque c’est nécessaire. En cas de doute, mettez-vous à leur place. Imaginez qu’ils sont atteints de migraine chronique, et demandez-vous comment vous voudriez qu’ils agissent.
Il est indéniablement plus difficile d’entretenir de bonnes amitiés lorsqu’on est aux prises avec la migraine chronique. Il faut y consacrer plus d’efforts et communiquer davantage, mais c’est tellement gratifiant. Savoir que vos amis comprennent votre situation et qu’ils veulent être là pour vous malgré la migraine peut faire toute la différence.