Nous recommandons l’utilisation d’un navigateur Web plus récent, comme Goodle Chrome ou Microsoft Edge, pour optimiser votre session de navigation.
Le fait d’être proche aidant fait ressortir le maniaque du contrôle en moi.
Je ne me perçois pas comme une personne excessivement portée sur le contrôle. D’ailleurs, à en juger d’après mes relations, j’ai plutôt tendance à fréquenter des fortes têtes. Reste que j’ai une manière bien à moi de faire les choses, souvent jusque dans les plus petits détails. Et certains d’entre eux, comme la séquence avec laquelle je retire les ustensiles du lave-vaisselle, révèlent à quel point je suis de nature à vouloir décider de tout.
Lorsqu’il s’agit de prendre soin de ma femme, mon naturel à vouloir tout contrôler est parfois utile. Grâce à lui, je suis prêt à affronter n’importe quelle situation. Grâce à lui, j’ai établi une routine qui me permet de prendre soin de ma femme de manière sûre et prévisible, si bien que dans la plupart des situations, elle sait à quoi s’attendre.
Toute cette « connaissance » est utile quand je dois donner des instructions à ceux qui me remplacent en mon absence. À ce titre, je m’enorgueillis d’être un « manuel d’instructions vivant pour le fournisseur de soins ».
J’accorde tellement d’importance aux détails, que je vais même jusqu’à préciser à mes remplaçants quel bras ma femme utilise pour enfiler sa veste. En l’occurrence, il s’agit du moins mobile des deux. Je leur dis où placer le fauteuil roulant la nuit, au cas où une urgence se présenterait. Repas, douche, habillage, peu importe ce dont il s’agit, tout doit être fait à la perfection. Pour moi, chacune de ces tâches est une excuse parfaite pour laisser libre cours à mon obsession que tout doit être fait à ma manière.
Toujours tout contrôler, c’est un peu comme s’entraîner à un sport particulier. On développe des habiletés très pointues, une grande mémoire musculaire et une excellente endurance. Mais lorsqu’on est obligé d’essayer quelque chose de nouveau, on a l’impression de ne pas y être préparé et de n’être pas en forme.
Il est facile de faire preuve d’excès de prudence pour tout ce qui se situe hors de notre zone de confort. Un jour, par exemple, mon amie voulait emmener ma femme faire du vélo stationnaire à la plage.
Normalement, j’aurais accueilli ce petit moment de répit avec joie. Mais même s’il y avait du soleil, il faisait -6 ºC dehors et c’était venteux. J’ai donc demandé à mon amie de proposer autre chose, en partie parce que je n’apprécie guère les températures froides, et en partie aussi parce que ma femme y est plus sensible à cause de ses antécédents d’AVC.
Sur ce, mon amie a tout de suite reconnu mes symptômes du gars qui veut toujours tout contrôler. Lorsqu’elle s’est pointée, elle s’est adressée directement à ma femme sans même me regarder, et elle lui a demandé ce qu’elle avait envie de faire, elle. L’instant d’après, elles étaient toutes deux à la plage en train de pédaler allègrement.
Plus tard, mon amie m’a remercié de lui avoir fait confiance. À dire vrai, le problème n’a jamais été de lui faire confiance ou non, mais j’en ai tiré une bonne leçon.
Comment maîtriser son envie de tout contrôler lorsqu’on est un proche aidant
Cela fait quatre ans que je prends soin de ma femme en tant que proche aidant. Par conséquent, lorsqu’il est question de ses soins, je me considère comme l’« expert en la matière ». Peut-être le suis-je vraiment, mais cela ne veut pas dire pour autant que ma façon de faire les choses est LA façon de les faire.
Bien que je n’aie pas mon pareil lorsqu’il est question de prévoir les besoins de ma femme, il arrive parfois qu’elle me surprenne. Et même quand j’ai raison, il existe d’autres façons de satisfaire ses besoins que d’employer la méthode éprouvée habituelle.
Rester ouvert à d’autres solutions peut néanmoins être très éprouvant pour les nerfs, et parfois, j’ai juste envie que les choses se fassent à « ma façon ». Comme lorsqu’il est question de la manière d’administrer ses médicaments à ma femme, et de l’heure à laquelle les lui donner.
D’autres fois, je m’efforce de ne pas être à ce point esclave de mes habitudes. Je demande à ma femme quelles sont ses préférences et je n’interviens pas dans la manière dont les autres aidants s’occupent d’elle. Si elle est en sécurité et qu’elle est heureuse, je suis heureux moi aussi.
Tout près de mon évier de cuisine, j’ai placé un tapis dont les bords sont arrondis d’un côté. J’aime que côté soit orienté vers l’évier. Or la femme de ménage s’obstine, elle, à intervertir l’orientation du fameux tapis.
Cela me rend dingue.
Dingue à quel point? Rien d’exagéré, mais dingue du genre « Je suis vraiment à la veille de la congédier ».
Je n’ai pas de problèmes de colère, mais je refuse de bouger d’un iota lorsque je dis que chaque chose a sa place. Je n’aime pas qu’on déplace quoi que ce soit sans mon autorisation. J’ai un système pour chaque chose.
Mais bon, faire pivoter le tapis ne prend qu’une seconde, alors j’essaie de contenir ma frustration. Je me console en me disant qu’elle a tout nettoyé et que me pencher pour replacer le tapis me vaut un peu d’exercice. Cette attitude cadre avec mon objectif quotidien de mener une existence zen.
Le problème, c’est que je fais face à ce genre de confrontation plusieurs fois par jour avec différentes personnes. Parfois, je suis moi-même déçu de moi d’avoir laissé traîner des choses.
Tendre l’autre joue est souvent la meilleure façon d’agir. Je me dis qu’il vaut mieux « lâcher prise tout simplement » et je trouve moyen de transformer l’aspect négatif des choses en quelque chose de positif.
Replacer le tapis me fait faire un peu d’exercice et je découvre de nouvelles manières de faire les choses. Voilà deux aspects positifs. « Lâcher prise » m’évite de devenir suffisant et paresseux, car cela requiert un grand effort mental.
S’il en a la possibilité, demandez à votre être cher de participer à ses propres soins.
Dans mon cas, ma femme parle peu. À moins que je fasse quelque chose de stupide, comme de mettre son pied droit dans la chaussure gauche, elle n’exprime que rarement ses besoins.
Malgré cela, quoi que nous fassions, je lui demande son avis avant. Je m’assure toujours qu’elle soit à l’aise, et j’espère qu’elle me le fera savoir si tel n’est pas le cas. Si ma mémoire est bonne, avant son AVC, elle était encore plus maniaque du contrôle que moi, ce qui menait souvent à des « discussions » énergiques.
À présent, elle me laisse prendre l’initiative en ce qui a trait à ses soins. Le problème, c’est que je ne veux pas qu’elle ait l’impression d’être ma « patiente ». J’ai peur qu’elle ait l’impression de perdre son identité ou d’être dans un établissement de santé. Elle est d’abord ma femme, et ensuite la personne dont je prends soin. J’essaie de faire en sorte qu’elle ne l’oublie pas.
Je passe environ une heure par semaine, même après tout ce temps, à chercher comment améliorer les soins que je prodigue à ma femme.
Un nouvel instrument qui lui facilite la vie, une nouvelle barre d’appui, un autre type de traitement, toutes ces choses constituent des « améliorations » possibles. Mon but est de tirer profit de toutes les avancées en matière de soin. Je veux que les choses évoluent et se renouvellent en permanence.
Bien sûr, cela ne veut pas dire faire des changements perturbateurs chaque fois que l’envie m’en prend. Je vise plutôt une amélioration continue de ses soins, en phase avec nos besoins et nos capacités.
Parfois ces changements sont permanents, parfois ils échouent. Mais d’une manière ou de l’autre ils nous obligent à sortir de nos ornières, et souvent, ils nous confirment que nous sommes dans la bonne voie. Je passe mon temps à me rappeler que prendre soin de ma femme est un marathon, pas un sprint. Elle est encore jeune, et mes responsabilités en tant que proche aidant continueront à évoluer au cours des prochaines décennies. Mieux vaut donc profiter de toutes les percées maintenant que de rester pris à utiliser des méthodes vieilles de vingt ans.
Et comme pour la plupart des choses, le mieux est de trouver un équilibre entre être de nature à vouloir tout contrôler et faire preuve de souplesse et avoir un esprit d’ouverture. Une telle approche sera bénéfique pour vous comme pour votre être cher, et tous deux n’en serez que plus heureux.