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À une certaine époque, je faisais du porte-à-porte. Les heures de travail étaient longues, et le salaire, à la commission seulement. Je ne voyais pas beaucoup ma famille, et peu à peu, mes collègues sont devenus mes seuls amis.
Ça semble plutôt moche, n’est-ce pas? En effet, ça l’était.
Lors des « réunions matinales », nous frappions des mains et chantions avec ferveur en plus de célébrer les ventes réalisées la veille par les membres de l’équipe, après quoi on nous enseignait de nouvelles techniques de vente. Ce rituel avait pour effet de dissimuler les aspects déplaisants de l’emploi.
Le principal objectif de ces réunions était de nous encourager à demeurer positifs, ce qui signifie passer sous silence les réalités du travail. La frustration ressentie parce qu’on ne recevait pas un chèque de paie ou l’anxiété occasionnée par les faibles ventes ne figuraient pas parmi les sujets de discussion.
Encore aujourd’hui, le mot « positif » est chargé d’une étrange connotation pour moi. Cette expérience m’a appris à quel point il est difficile de cacher ses véritables émotions derrière un masque de bonheur simulé au nom la positivité.
À dire vrai, je crois que l’optimisme peut avoir un effet réel. Éviter de penser aux désastres susceptibles de m’arriver s’est avéré extrêmement utile dans le cadre de mon cheminement avec les troubles mentaux.
Le problème de ce mouvement de positivité, c’est qu’il est souvent fondé sur un profond déni de la réalité.
Nous voyons tous les images parfaites publiées dans les médias sociaux, où tout le monde semble heureux et reconnaissant, et ne connaît aucune difficulté. Il est considéré comme tabou d’aborder de véritables problèmes dans les médias sociaux. Dans le monde virtuel, cela représente l’équivalent de laver son linge sale en public. J’ai toutefois l’impression que ce manque d’honnêteté nous expose à l’échec.
Nous enseignons aux gens que s’ils souffrent, c’est à cause de leurs pensées négatives, et non parce qu’ils ont un véritable problème à régler, en l’occurrence le trouble dépressif. C’est là que se situe l’écueil dans cette société positive au sein de laquelle nous évoluons, où l’on ne tolère que les « bonnes vibrations ».
En réduisant le problème d’une personne à une simple difficulté de penser de façon positive, on la condamne à l’isolement.
Cette personne se sent défectueuse. Elle croit que si elle pouvait apprendre à être plus optimiste, elle serait instantanément guérie. Lorsqu’elle n’y arrive pas, elle croit être incorrecte ou fautive.
Ce n’est pas ainsi que les personnes déjà accablées par la dépression devraient se sentir.
Lorsqu’on dit à une personne que les difficultés qu’elle vit sont le résultat de son état d’esprit, et non d’un véritable trouble mental, elle cesse de travailler sur le véritable problème. Elle pourra plutôt tenter de dissimuler sa dépression ou son trouble anxieux par les mantras, les exercices de visualisation et le déni. Ces soi-disant solutions s’avéreront peut-être utiles, mais elles risquent aussi de devenir problématiques.
Au lieu d’une culture de positivité, j’aimerais voir naître un mouvement orienté vers l’honnêteté. Je veux pouvoir parler de mon trouble dépressif sans qu’on me rappelle que je devrais être reconnaissante de toutes les belles choses qui remplissent ma vie. J’en suis reconnaissante.
Malgré tous les merveilleux aspects de ma vie, il m’arrive parfois de me sentir déprimée. La vie est ainsi lorsqu’on présente un trouble dépressif majeur.
Il m’est arrivé de publier des commentaires sur mes plus belles réalisations dans les médias sociaux pour ensuite m’endormir en pleurant. La réalité est ainsi.
Lorsqu’on est entouré de personnes qui soutiennent avoir une vie idéale, on ne peut que se comparer à celles-ci. Souvent, on finit par avoir l’impression que sa propre vie est insatisfaisante à certains égards.
Il est alors facile de croire être la seule personne au monde à connaître des difficultés et de se dévaloriser. On a l’impression de n’arriver à rien ou de sombrer facilement dans la négativité alors qu’on devrait être invulnérable. On peut aussi avoir l’impression que le monde pourrait bien se passer de nous.
Pour les personnes qui vivent avec le trouble dépressif, ces pensées représentent un danger. Elles s’apparentent aux pensées déjà présentes chez ces personnes et n’ont pas à être amplifiées.
Les ondes positives ne sont pas un substitut à un traitement adéquat en présence de troubles mentaux. Les ondes positives n’éliminent pas la nécessité de confronter ses véritables peurs. Les ondes positives ne sont pas un substitut au soutien que peuvent offrir de véritables amis, qu’on soit déprimé ou en état d’euphorie.
En ce qui me concerne, je me suis donné pour mission d’afficher dans les médias sociaux des publications reflétant ce que je vis réellement, et non d’entretenir cette culture de feinte positivité. J’espère que vous pourrez en faire autant.
Pour obtenir plus d’information sur la prise en charge du trouble dépressif, consultez votre médecin ou votre équipe soignante.