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La première fois que j’ai entendu l’expression « croissance post-traumatique », c’était plusieurs années après mon traitement contre le cancer. Jusque-là, je n’avais jamais vraiment considéré comme un traumatisme ce que j’ai vécu lorsque j’ai reçu mon diagnostic de cancer du sein à l’âge de 26 ans.
Le traumatisme était une chose qui arrivait aux autres. De ce que je savais, le syndrome de stress post-traumatique était une maladie qui touchait les anciens combattants ou des victimes de crimes violents. Ça ne s’appliquait pas à une jeune femme comme moi qui faisait des cauchemars à propos des traitements contre le cancer et qui pleurait en voyant des scènes d’interventions chirurgicales à la télévision.
Avec le temps, j’ai fini par accepter que le cancer est une épreuve traumatisante.
J’ai fini par réaliser que le fait d’entendre les paroles « vous avez le cancer », en plus de subir neuf interventions chirurgicales en trois ans, six séances de chimiothérapie, quinze séances de radiothérapie et d’innombrables analyses sanguines, examens d’imagerie et autres interventions m’avait traumatisée.
C’est ironique, car si j’avais lu cette liste d’interventions et qu’elle s’appliquait à une autre personne, j’aurais été la première à dire « il y a de quoi être traumatisé! » Pourtant, j’ai mis beaucoup de temps à m’admettre que le cancer m’avait malmenée à bien des égards.
C’est mon amie Sophie qui a été la première à me parler de croissance post-traumatique ou CPT. Alors que le syndrome de stress post-traumatique est une maladie causée par un traumatisme, la CPT est une théorie utilisée pour décrire la transformation positive qui se produit parfois à la suite d’un traumatisme. Selon cette théorie qui a été développée au milieu des années 1990 par un groupe de psychologues, les personnes qui éprouvent des difficultés psychologiques après avoir subi une situation malheureuse observent souvent une transformation positive par la suite.
Richard Tedeschi et Lawrence Calhoun, qui ont élaboré cette théorie, ont aussi créé l’indice de croissance post-traumatique (ICPT), une échelle comportant 21 éléments utilisée pour évaluer la croissance personnelle qui suit un événement stressant, dans les cinq domaines suivants :
1. L’appréciation de la vie
2. Les relations avec les autres
3. Les nouvelles possibilités
4. La force personnelle
5. Le changement spirituel
On demande au participant dans quelle mesure son attitude a changé par rapport à différents éléments, comme ses priorités dans la vie, sa compréhension de la spiritualité et son approche de la compassion.
Je suis la première à reconnaître qu’on met trop de pression sur les personnes ayant reçu un diagnostic de cancer pour qu’elles soient #reconnaissantes en tout temps. Il ne faut pas conclure d’emblée que chaque traumatisme est suivi d’une croissance ou que chaque personne qui subit un traumatisme en ressort automatiquement grandie. J’ai néanmoins remarqué que j’ai personnellement beaucoup évolué depuis que j’ai été diagnostiquée il y a plus de cinq ans.
Ça peut sembler cliché, mais je suis différente de celle que j’étais avant le diagnostic.
C’est peut-être dû en partie à mon âge – j’ai maintenant 31 ans et je réalise à quel point j’étais jeune à 26 ans et tout ce que j’avais encore à apprendre sur l’expérience humaine. Cela dit, je suis encore jeune et j’en ai encore beaucoup à apprendre, mais j’ai le sentiment que le cancer m’a permis de grandir et de me développer comme je ne l’aurais jamais imaginé.
Mes priorités ont radicalement changé. J’ai toujours été de ceux qui croient qu’il faut « travailler pour vivre », mais cette philosophie est désormais inscrite dans mon ADN. Je ne travaillerai plus jamais de longues heures et je ne chercherai plus à tout prix à recevoir une promotion. Il n’y a rien de mal à agir ainsi, mais si je me doutais que cette façon de penser ne me convenait pas, mes soupçons ont depuis été confirmés. Je ne travaillerai peut-être plus jamais des semaines de 40 heures et je n’aurai probablement jamais un revenu très élevé (les deux vont généralement de pair), mais ça ne me dérange pas. Je suis pleinement satisfaite de ma situation.
Ma vie spirituelle est beaucoup plus riche qu’avant, ce qui, je pense, a quelque peu surpris ma famille et les amis qui me connaissent depuis longtemps. Je ne vais pas à l’église chaque semaine et je ne lis pas la Bible chaque jour, mais mes certitudes quant à la place qu’occupe la spiritualité dans ma vie se sont affirmées. Je crois, comme jamais auparavant, en quelque chose de plus grand (que ce soit un dieu, un créateur ou l’univers) que moi.
Cette évolution s’est aussi manifestée dans de nombreuses autres sphères de ma vie. Ma croyance en la compassion comme pré-requis dans la vie a décuplé. J’ai emprunté une toute nouvelle direction. Je n’avais jamais cru devenir un jour administratrice d’un organisme de bienfaisance, ni que je travaillerais à créer de l’art à partir d’expériences du cancer, mais ce sont deux activités qui ont eu des répercussions extrêmement positives dans ma vie.
Je suis aux prises avec des problèmes de santé mentale, mais je continue d’apprécier pratiquement chaque jour qui se lève. Lorsque quelque chose ne va pas, la probabilité que je cherche à faire les changements qui s’imposent est plus grande qu’avant mon diagnostic.
Et je ne suis pas la seule. J’ai reçu des témoignages semblables par l’entremise de mon balado; j’observe très souvent de tels changements au sein de la communauté de personnes atteintes d’un cancer. L’écrivaine Sophie Sabbage dit que le diagnostic de cancer nous rappelle que nous ne sommes pas immortels. Je crois que c’est la raison pour laquelle tant de choses ont changé dans ma vie. Je sens que j’ai moins de temps qu’avant pour les futilités.
Malgré ma propre expérience de croissance, je prends soin de ne pas être dogmatique à ce sujet. Je sais que bien des gens préfèrent de loin mettre leur expérience du cancer derrière eux et poursuivre leur vie comme avant, ce qui est absolument correct! Plus que correct!
Les « survivants » du cancer subissent une pression énorme. On attend d’eux qu’ils se comportent et qu’ils vivent leur vie d’une certaine façon, mais en vérité, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de vivre avec un cancer ou après en avoir guéri.
Je me demande parfois si je ne préférerais pas oublier tout ce que j’ai appris et ne pas grandir si cela me permettait également d’éviter de subir une mastectomie, d’être transportée aux toilettes lorsque les effets secondaires de la chimiothérapie étaient trop intenses et de pleurer beaucoup et d’avoir le cœur brisé.
Je ne connais pas la réponse. Ça ne sert à rien de m’y attarder trop longtemps. Je sais cependant que j’en ai encore beaucoup à apprendre et que je peux encore grandir énormément. J’espère avoir la possibilité d’être ici encore longtemps pour le faire.