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Environ 80 % des personnes atteintes de sclérose en plaques (SP) mentionnent que la fatigue figure parmi leurs symptômes.
Le mot « fatigue » me semble aride et désuet, et ne convient pas à décrire une fraction de l’épuisement profond qu’entraîne la SP.
Nous sommes tous fatigués, n’est-ce pas? Si vous avez des enfants, vous avez probablement fait un débat avec d’autres parents aux portes de l’école pour déterminer lequel était le plus fatigué. Ou vous avez peut-être déjà comparé vos heures de sommeil à celles de votre partenaire au moyen d’une calculatrice lorsque vos enfants étaient bébés.
Afin de gravir les échelons dans le cadre de votre carrière professionnelle, vous avez peut-être eu des heures de travail insensées, tout en vous réservant un peu de temps pour les cocktails de rigueur en soirée, et en vous gavant de vitamines et de café le matin.
Il est publiquement admis que l’épuisement est une épidémie du monde moderne. Mais ceci? Ceci. Est. Différent.
J’ai toujours été une personne particulièrement active (jamais au centre de conditionnement physique, malheureusement), et j’ai toujours été en mesure de puiser dans mes réserves d’adrénaline. J’étais toujours la première arrivée sur les lieux, et la dernière à quitter.
La SP a tout changé pour moi de ce côté. De nombreuses personnes atteintes de SP utilisent l’analogie du « mur de brique » pour décrire la fatigue qu’elles présentent, mais elle ne semble pas la plus juste en ce qui me concerne. J’ai bien eu l’impression de me heurter à un mur à quelques occasions, mais la plupart du temps, ce que je ressens est plutôt comme une immense main invisible qui me pousse vers le bas, drainant toute mon énergie.
Ce n’est pas tout : la fatigue me prive de toute force physique, intellectuelle et musculaire. J’ai l’impression d’être une marionnette qu’on laisse tomber au sol et qu’on piétine. Je dois dormir, c’est tout. Il n’y a pas de « si » ni de « mais ».
En ce qui me concerne, j’ai eu beaucoup de mal à me faire à cette idée. Je m’y suis fortement opposée. Alors que je devais composer avec une foule d’autres symptômes en plus du stress habituel de la vie quotidienne, je voyais le besoin de dormir lié à la SP comme un fardeau. Comment la SP osait-elle me l’imposer? Aux moments où j’avais besoin de m’investir pleinement, je n’étais plus d’aucune utilité, j’avais seulement la force de trouver un canapé et de dormir comme si ma vie en dépendait. Du moins, c’est l’impression que j’avais.
Cette situation avait aussi des répercussions sur d’autres personnes. En tant que mère de famille monoparentale, mon fils se retrouvait privé de son seul parent habituellement actif pour assurer le transport à ses entraînements de judo et de rugby, à son club informatique ou au domicile de ses amis pour le thé. J’étais inutile. J’ai dû demander qu’on me rende service à maintes reprises, et tandis que d’autres parents assumaient mes responsabilités, je fondais en larmes.
Avec tout cela, j’ai réalisé que je ne prenais pas la fatigue (plus exactement la fatigue neurologique) au sérieux. Peu à peu, j’en étais venue à accepter la présence des autres symptômes dans ma vie : le pied tombant, les problèmes d’équilibre, la faiblesse des mains et des bras ainsi que les crampes musculaires. Cependant, je luttais contre la fatigue, comme la société nous y a conditionnés. Étrangement, on dirait que la fatigue est perçue à la fois comme un signe de faiblesse et comme une distinction honorifique.
J’ai alors commencé à accorder à l’épuisement la considération qu’il mérite. Il s’agit d’un symptôme réel et spécifique, et non d’une faiblesse ni d’un échec. J’ai participé à un atelier sur la fatigue associée à la SP. L’atelier était animé par du personnel infirmier spécialisé exceptionnel et m’a permis de rencontrer d’autres personnes qui vivaient la même situation que moi. Nous avons partagé des histoires, des conseils et des trucs, et j’y ai trouvé un soutien extraordinaire.
J’ai commencé à réserver du temps au sommeil. Ce n’était pas facile au début. Je résistais, et c’est tout juste si je n’utilisais pas des allumettes pour tenir mes paupières ouvertes. J’ai lentement appris à gérer la situation de front. Si je dois dormir, je dors. Au cours d’une réunion de famille, je me suis déjà réfugiée dans une chambre d’ami pour faire la sieste. Mes amis savent qu’il est possible que j’annule un diner ou que je le remette à la dernière minute. Même mon patron, qui compte parmi mes meilleurs amis, heureusement, tient compte de ma fatigue. Je peux me mettre à l’aise dans la camionnette de l’entreprise et faire la sieste une demi-heure.
La principale difficulté consiste à expliquer aux autres que la fatigue n’a rien d’une partie de plaisir. Ce n’est pas un symptôme qui se gère facilement, et ce n’est pas une excuse. Par moments, l’impression qu’on va s’effondrer sur-le-champ si on ne dort pas peut être terrifiante.
Chez moi, la fatigue varie. Pendant les poussées, elle se fait particulièrement intense, et à d’autres moments, elle se gère plutôt bien. Je suis plus efficace le matin, et j’ai beaucoup moins d’énergie à partir de 14 h; j’ai appris à en tenir compte et j’ajuste mes activités en conséquence.
Je sais maintenant que la SP n’est pas une excuse pour dormir, c’est une bonne raison de le faire.